Tenter de résumer et schématiser un argument aussi complexe que celui des OGM, comme tout ce qui concerne l’alimentation et l’agriculture en général, n’est ni facile ni forcément pertinent. Cependant, je pense qu’une énumération des raisons de ceux qui, comme nous, disent non aux OGM, peut être utile. Non pas à cause de convictions idéologiques, comme aiment le répéter ceux qui pensent être les seuls dépositaires du savoir, mais pour des raisons sérieuses et légitimes, raisons par ailleurs partagées par de nombreux chercheurs et scientifiques :
1. Contamination.
Il est impossible de cultiver des OGM en toute sécurité ici en Italie. Les exploitations sont de petite taille et ils n’y a pas de barrières naturelles capables de protéger les cultures biologiques et conventionnelles. L’agriculture fait partie d’un système vivant qui comprend la faune, le cycle de l’eau, le vent et les réactions des micro-organismes souterrains : une culture d’OGM ne pourra donc pas rester confinée au seul terrain dans lequel elle est cultivée.
2. Souveraineté alimentaire.
Comment les agriculteurs biologiques, bio-dynamiques et conventionnels pourraient-ils alors être sûrs que leurs produits ne soient pas contaminés ? Une diffusion même limitée des cultures d’OGM changerait pour toujours la qualité et l’équilibre actuel de notre agriculture, anéantissant en même temps la liberté pour tous de choisir ce que l’on mange.
3. Santé.
Les animaux nourris aux OGM peuvent avoir des problèmes de santé.
4. Liberté.
Les cultures d’OGM dénaturent le rôle de l’agriculteur, qui depuis toujours améliore et sélectionne ses propres semences. En revanche avec les semences OGM, la multinationale devient la propriétaire de la graine. A chaque nouvelles semailles, l’agriculteur doit donc s’adresser à elle (parce que, comme tous les hybrides, les OGM de seconde génération ne donnent pas de bons résultats), et il est interdit de chercher soi-même des améliorations sans payer de couteuses royalties.
5. Économie et Culture.
Les OGM n’ont aucun lien historique ou culturel avec un territoire. Or l’Italie base une grande partie de son économie agroalimentaire sur l’identité et la variété des produits locaux : introduire un produit sans identité risquerait d’affaiblir un système fortement attractif d’un point de vue touristique.
6. Biodiversité.
Les cultures d’OGM appauvrissent la biodiversité parce qu’elles impliquent une monoculture intensive sur de grandes surfaces. La culture d’un seul type de maïs portera à une diminution des saveurs et des savoirs.
7. Éco-compatibilité.
Les recherches sur les OGM leur accordent deux avantages : la résistance à un parasite du maïs (la pyralide) et à un désherbant (le glyphosate). En résumé, ils devraient donc permettre de réduire l’emploi de produits chimiques. En réalité, la pyralide peut être combattue grâce à la rotation des cultures, et la résistance à un désherbant mène à une utilisation plus désinvolte de celui-ci, étant donné qu’il ne nuit pas aux cultures mais seulement aux plantes non souhaitées.
8. Précaution.
En trente ans de recherches sur les OGM, les résultats dans l’agroalimentaire ne concernent que trois produits (maïs, colza et soja). En effet, les plantes supportent mal les modifications génétiques, de plus cette science est encore très rudimentaire et souvent hasardeuse. Nous voudrions donc qu’une approche plus prudente soit adoptée, comme l’ont fait l’Allemagne et la France, qui ont interdit certaines cultures d’OGM.
9. Progrès.
Les OGM sont directement issus d’une conception myope et superficielle du progrès. Pour les consommateurs, les gouvernements et les chercheurs, le rôle de l’agriculture de petite échelle en matière de protection des territoires, de défense des paysages et contre le réchauffement climatique, est toujours plus incontournable. Au lieu de caresser les chimères du marché, la recherche devrait soutenir l’agriculture durable, et mieux répondre à ses attentes.
10.Faim.
Les rapporteurs de l’ONU affirment que l’agriculture familiale défend la tranche de population à risque de malnutrition. A l’inverse, les multinationales promettent que les OGM sauveront le monde de la faim. Pourtant, voilà quinze ans qu’a commencé la commercialisation des OGM et le nombre d’affamés n’a pas cessé d’augmenter, exactement comme le chiffre d’affaire des entreprises qui les produisent. Dans des pays comme l’Argentine ou le Brésil, le soja génétiquement modifié a remplacé les productions de patates, de maïs, de blé et de mil, sur lesquelles se basent l’alimentation.
Par Carlo Petrini,
c.petrini@slowfood.it