Qu’est-ce qui définit la cuisine québécoise ? Il y a de bonnes chances que chacun ait sa propre réponse. L’identité culinaire est un sujet complexe. Des pistes de réponses se trouvent autour d’un savoir-faire, d’ingrédients du terroir et d’une acceptation sociale. Sans reconnaissance de la majorité, un plat ou un ingrédient passe du côté du folklore.
La ligne est mince entre l’univers folklorique et l’oubli. Heureusement, le locavorisme remet au goût du jour les ingrédients consommés par nos ancêtres. Pour mieux comprendre le potentiel culinaire québécois, voici les grandes lignes de l’histoire gourmande du Québec.
Les racines autochtones
Bien que nos traditions culinaires ne tirent pas leurs racines uniquement des peuples autochtones, celles-ci ont participé activement au métissage entre les importations des colons Français, puis des Anglais et des Irlandais.
Les trois grandes cultures sont algonquiennes, iroquoiennes et inuit. Chacune avait une distinction culinaire selon le territoire qu’elle occupait. La famille des Algonquiens résidait majoritairement dans le centre du Québec. Il s’agissait de pêcheurs d’eau douce. Ils pouvaient aussi pêcher des poissons diadromes (saumon et morue) avec l’accès au Saint-Laurent. Ils chassaient de gros et de petits gibiers. En plus de ces protéines, ils récoltaient des petits fruits de la forêt boréale, comme le bleuet.
Les Iroquois habitaient dans le sud de la province jusque dans l’État de New York. Il s’agissait d’agriculteurs. À l’arrivée des Français, ils maîtrisaient la culture du maïs, des courges et des haricots. Au lieu d’utiliser du gras d’origine animale pour la cuisson comme les Algonquins, ils cuisinaient avec de l’huile de noix locale, ce qui était moins facile pour un peuple nomade. Ils mangeaient aussi du poisson frais ou fumé, en plus de pêcher des mammifères marins et de chasser du gibier laurentien (cerf, wapiti et ours).
Pour ce qui est de la culture inuit, elle se divise du Nunavut au Labrador en quatre familles. Elles ont en commun la consommation d’algues, de poissons, de plantes terrestres et de fruits de la toundra. Il s’agit aussi de grands chasseurs. Ils mangeaient de gros gibiers et des mammifères marins tels que la baleine.
Le tronc de l’arbre ou les premiers métissages
C’est au contact des pêcheurs basques à la recherche de baleines que les Inuits découvrirent le blé. Cette découverte a donné naissance à la banique, un pain plat cuit traditionnellement sur le feu. Avant les Basques, ce sont les Vikings qui firent découvrirent le lait et les produits gras qui découlent de l’élevage de bovins aux Inuits.
Il faut attendre l’installation des premiers colons français pour voir apparaître les premiers exemples de métissage. Les Français avaient déjà de fortes traditions culinaires qu’ils ont dû adapter à leur arrivée en raison des ressources alimentaires disponibles. Pour des raisons de survie, ils ont intégré des ingrédients du terroir et des techniques de conservation comme le fumage des viandes et des poissons, que les autochtones leur ont fait découvrir, donnant lieu ainsi à de nouveaux plats. Le portrait agricole change aussi. Les Français consomment beaucoup de légumes verts et de racines. Ce qui étonnait les Autochtones puisque pour eux c’était associé à des plantes médicinales.
Les différentes branches
Les Anglais, plus particulièrement les Irlandais ont également participé à l’élaboration de l’identité culinaire québécoise. Grâce à leurs réseaux fluviaux commerciaux, le citron était facile à trouver au Québec au 18e siècle. Les produits exotiques étaient plus faciles d’accès. Les différentes communautés immigrantes ont ajouté une branche à l’arbre de l’identité culinaire à leur arrivée. C’est devenu un grand arbre touffu.
De plus, un changement de mentalité s’est opéré vers une cuisine plus rapide, de moins en moins connectée avec des produits de saison et du terroir. Il s’agit peut-être d’une des raisons pour lesquelles définir l’identité culinaire est un exercice difficile.
Pour vous aider à vous connecter aux racines de la culture culinaire québécoise, voici une liste non exhaustive de condiments et de produits du terroir québécois méconnus. Vous serez ainsi outillés pour être des ambassadeurs de ces produits et pour découvrir de nouvelles saveurs!
Substitutions locales
Il existe autant de manières d’assaisonner un plat qu’il y a d’humains sur la terre. Nos ancêtres ont regardé autour d’eux pour varier les saveurs. Aujourd’hui, on ne se pose plus la question tant le poivre, la vanille, les marinades, le vinaigre balsamique, les noix et le citron sont intégrés dans nos habitudes culinaires. Pourtant, il existe des options locales pour les remplacer en plus d’ajouter un je-ne-sais-quoi typiquement québécois.
Le poivre
Il existe des substituts locaux au poivre venant de l’Inde. La première est le chaton d’aulne, commercialisé sous le nom « poivre des dunes ». Il s’agit de la première pousse de l’aulne, un arbuste de la forêt boréale qui a un goût qui rappelle autant le citron que l’aneth. Il est amer tout en ayant une belle acidité. La texture est résineuse. Il n’est pas conseillé de le passer dans un moulin à épices ni dans une poivrière puisqu’il pourrait coller dans le mécanisme. Il s’utilise comme un poivre de finition. Voici une idée de recette de Simon Deslauriers de l’émission Moi j’mange à Télé-Québec.
Si vous recherchez plutôt le côté piquant du poivre, optez pour le piment de Gorria, mieux connu sous le nom de piment d’Espelette. L’appellation Espelette est contrôlée et protégée par les Pays basques. Cependant, c’est un piment qui pousse très bien au Québec. Si vous voyez le nom « piment de Gorria » à l’épicerie fine, il y a de bonnes chances que ce piment ait été récolté au Québec. Les Épices de cru en commercialisent un en provenance de la Montérégie.
La vanille
Il s’agit de l’équivalent du poivre pour la pâtisserie ; on l’utilise partout ! Le mélilot est une petite fleur blanche de la forêt qui remplace à merveille la vanille des Antilles. Elle ajoute une petite touche de foin et d’amandes aux desserts. Pas besoin d’ajuster les proportions, le mélilot peut remplacer à parts égales la vanille dans vos recettes. L’entreprise Gourmet Sauvage en commercialise en essence. Il est aussi possible de la trouver en fleurs séchées.
Les marinades
Pratiques pour rehausser un plat, les marinades comme les câpres et les cornichons sont des essentiels du garde-manger pour plusieurs. Pour ajouter une touche du terroir québécois, vous pouvez remplacer les câpres par des boutons de marguerite marinés. Il s’agit d’une manière ingénue de consommer ces fleurs vivaces. Des baies de sureau immatures remplacent aussi les câpres. Pour remplacer les cornichons sur un plateau de charcuteries, il existe la gousse d’asclépiades. Au goût, elle se situe entre le capron et le cornichon. Vous pouvez même prolonger la saison des têtes de violon en les faisant mariner.
Le vinaigre balsamique
On associe communément le sirop de bouleau avec le sirop d’érable. Cependant, le sirop de bouleau a un côté plus acidulé qui se marie bien aux plats salés. Il remplace le vinaigre balsamique dans une salade ou un plat d’inspiration asiatique si vous osez la fusion culinaire.
Les noix
Les noix sont des incontournables de la cuisine méditerranéenne et californienne. Heureusement, il existe des options issues de notre terroir pour remplacer les noix importées. Elles proviennent des arbres noyers, caryers et noisetiers. Selon la variété de l’arbre, elles sont bonnes en huile ou en garniture. La noix du noyer noir a un goût qui rappelle le fromage bleu. Celle du noyer cendré ou ovale a une texture grasse. Au début du 20e siècle, les femmes s’en servaient pour des tartes. Ce ne sont pas des produits faciles à trouver. Cependant, les graines de tournesol est une option locale pour remplacer les noix quand leur rôle est de donner une texture plus grasse, comme dans un pesto ou une sauce.
Le citron
À moins de vous lancer dans la culture de citronniers dans votre salon, le verjus de pommes ou de raisins est une substitution valable et locale au citron. Plusieurs vignobles et vergers vendent leurs versions, ce qui laisse place à l’exploration culinaire. De plus, si vous cherchez un aspect plus vinaigré pour votre recette, un vinaigre de cidre ou d’érable ajoute un goût inattendu.
Les produits du terroir québécois méconnus
Sans nécessairement vouloir adapter une recette avec des ingrédients locaux, le terroir québécois regorge de saveurs qui lui sont propres. Un peu comme le miso rime avec le Japon ou le Zaatar avec la région du Levant, ce « je-ne-sais-quoi québécois » existe.
Les condiments
Du côté des condiments, il y a le carvi, une plante au goût poivré, citronné et âpre. La sarriette, quant à elle, s’apparente au thym et au romarin. L’historien Michel Lambert a recensé plusieurs autres condiments et a compilé des recettes d’antan en cinq volumes. Une lecture intéressante si vous voulez explorer comment nos ancêtres se débrouillaient avec les ingrédients à leur portée.
N’oublions pas de mentionner toutes les plantes qui poussent sur les berges du Saint-Laurent, comme la salicorne ou l’épinard des mers. Cuite avec un poisson, l’odeur peut rappeler le moment où les pêcheurs reviennent au port décharger leurs cargaisons. Sans être sentimental, cela a le potentiel de faire voyager à travers son assiette.
Même le sapin baumier peut se transformer en macérat ou en infusion. Une belle manière de ramener la forêt dans les salades ou dans la théière à moindre coût.
Les champignons
Un des trésors de la forêt boréale, qui gagnerait à être plus souvent dans nos assiettes, est le champignon. Les Japonais sont friands du matsutake, qui a un goût de cannelle et de pain d’épices. Il y a aussi le champignon crabe ou homard (dermatose des russules) qui porte ce surnom en raison de son goût qui rappelle les crustacés. Il s’agit d’un champignon unique aux forêts de l’Amérique du Nord. Plus communs, vous pouvez également retrouver des chanterelles et des morilles qui poussent à l’abri des arbres.
Les petits fruits
Pour ce qui est des petits fruits, la réputation du bleuet, des framboises et des fraises n’est plus à faire. Cependant, il existe d’autres alternatives qui mériteraient une place sur la scène culinaire. L’amélanche s’apparente au bleuet. La camerise a un goût complexe qui mélange celui du bleuet, du cassis, de la mûre et de la rhubarbe. Il existe des variétés de cerises qui s’acclimatent bien au climat boréal. Il y a la griotte, plus acidulée, et la cerise naine, plus sucrée. La baie de sureau a un goût à mi-chemin entre le bleuet et la mûre. La baie d’argousier a quant à elle un côté très acidulé qui fait penser au fruit de la passion.
Pour aller plus loin
Les possibilités d’explorations culinaires sont infinies. Le seul bémol est de trouver ces ingrédients. Ce ne sera pas facile, mais plus on les demandera, plus nous aurons de chance de les retrouver dans nos épiceries. Le magazine Caribou a fait un excellent dossier sur le sujet. À tout le moins, la prochaine fois que vous passerez devant un étal de produits fins vous pourrez reconnaître les noms. Si vous êtes resté sur votre appétit et désirez en connaître davantage, Julie Aubé a écrit un livre qui regorge d’informations. L’organisme AgroBoréal a aussi édité un livre de recettes avec des ingrédients locaux. Sur MaTv, il y a l’émission le cuisinier locavorequi vous fera découvrir différentes recettes aux saveurs du terroir québécois.