Il y a un engouement pour le vin québécois depuis quelques années. Les vignerons ont une tribune et les consommateurs, plus soucieux de l’environnement, sont au rendez-vous. Ceci est un changement de paradigme du discours d’il y a 20 ans qui reléguait le vin québécois au rang de piquette.
Les consommateurs sont plus curieux et ne sont pas nécessairement intéressés par un vin qui goûte comme les autres. Les vignerons ont acquis assez d’expérience pour se forger un début d’identité. C’est un temps excitant pour les expérimentations! Mais avec toutes ces nouveautés, il peut être difficile de s’y retrouver pour certains. Nous vous proposons donc trois clés pour comprendre et s’initier au vin québécois.
Le vin québécois : l’acidité
Qu’est-ce qui caractérise les vins québécois? Un vin est défini par les tannins, l’alcool, le sucre et l’acidité. Les tannins sont donnés par l’acidité phénolique présente dans la rafle. Plus la rafle est mûre, plus les tannins seront présents si le vigneron décide de l’utiliser pendant la fermentation.
L’alcool et le sucre dépendent de la maturité du raisin. Grâce à la photosynthèse, le raisin se gorge de sucre qui se transforme en alcool durant la fermentation. Le tout est une question d’équilibre. Plus le raisin est acidulé, moins il aura de sucre à transformer en alcool. Le Québec est situé dans une zone climatique continentale humide; il fait froid l’hiver et l’été est court. Les raisins ont peu de temps pour atteindre un grand taux de sucre. L’acidité est la variable commune à tous les vins québécois. Notre terroir, si vous le voulez bien.
Les vignerons se doivent donc d’être créatifs avec cette limitation. Bien sûr, ils n’arriveront jamais à un Rioja rouge boisé avec des arômes de confitures de petits fruits rouges, de chocolat et de tabac avec des raisins ayant poussé au Québec. Peut-être que les vins rouges québécois peuvent s’apparenter à un Beaujolais pas trop fruité ou les vins blancs à un vin blanc autrichien. Le jeu des comparaisons est dangereux, puisqu’en plus de l’acidité, les vignerons québécois utilisent des cépages hybrides qui sont différents des autres régions vinicoles. Ce qui donne au vin québécois un caractère qui lui est propre. Pour repérer les vins québécois, soyez à l’affût du logo de l’Indication géographique protégée (IGP) Vin du Québec sur la bouteille.
Les cépages : des hybrides
Pour déjouer un peu mère nature, des botanistes de partout dans le monde ont effectué des croisements avec toutes sortes de vignes. Au Québec, il y a deux familles de vignes importantes, soient : les vitis vinifiera venues d’Europe mieux connues sous le nom des variétés de chardonnay, pinot noir, cabernet franc, riesling, etc., et les vitis labruscavenues d’Amérique du Nord. Ces dernières sont résistantes au phylloxéra, un insecte ravageur. Nous utilisons des hybrides issus d’un mélange de ces deux familles. Ce sont des cépages comme le Vidal, le Maréchal Foch, le Marquette, le Seyval, le Frontenac, le Radisson et le Saint-Pépin. Ils ont été inventés pour convenir aux étés courts et aux grands froids l’hiver. Ce que les vitis vinifera, d’origine européenne, n’aiment pas du tout. Le vigneron s’adapte aux aléas du climat.
Dans la jeune histoire vinicole du Québec, on constate des changements dans le choix des cépages plantés par les vignerons. L’Orpailleur et le Vignoble Négondos n’ont planté que des hybrides résistants aux froids dans les années 90. Dans le début des années 2000, Les Pervenches ont planté des vitis vinifera comme le chardonnay et le pinot noir. Ces raisins donnent un vin prisé partout dans le monde. Ce n’était pas possible sans les avancées technologiques comme la toile géotextile ou la géothermie comme au Vignoble du Ruisseau. Il y a toujours un débat à savoir si les vins obtenus grâce à la technologie sont véritablement issus du terroir québécois puisqu’ils ont reçu un coup de pouce face à mère Nature. À moins de législation de la part du gouvernement du Québec, ce sera au consommateur de décider.
Chaque vigneron essaie de présenter un vin plaisant aux acheteurs tout en tendant vers la rentabilité. Dans les dernières années, cela implique de réagir aux changements climatiques qui amènent plus de maladies ou de stress hydrique aux vignes. Le Domaine de l’Espiègle a planté du floréal et du voltis pour prévenir le mildiou et l’oïdium. Ce sont tous les deux des hybrides. Ils ont l’avantage de réduire la quantité de traitements nécessaires pour prévenir ou guérir l’attaque de ces champignons. Les vignerons, tout comme les agriculteurs, sont des gens résilients.
La main du vigneron : ses valeurs
La dernière chose à considérer quand on veut acheter une bouteille de vin est la main du vigneron ou la manière dont il conduit ses vignes et son chai. Est-il en agriculture conventionnelle, en lutte raisonnée, en biologique ou en biodynamie ? Si vous avez besoin de plus d’informations sur ces termes, voici un billet de blogue précédent sur ce sujet.
La façon dont le vigneron traite ses vignes est le reflet de ses valeurs. Cependant, il ne faut pas rejeter d’emblée un vignoble québécois parce qu’il n’est pas bio ou qu’il ne se définit pas comme nature. La certification biologique coûte cher à ceux qui viennent de démarrer leur projet vinicole. Se renseigner auprès d’un commis ou un petit tour rapide sur le site internet du vignoble est parfois très utile pour faire un choix plus éclairé sur les valeurs du vigneron.
Il faut aussi garder en tête que faire un vin, c’est un peu comme une recette de cuisine… Que les vignerons n’ont la chance de faire qu’une seule fois par année ! Il n’y a pas de traditions ancestrales datant de plus de 1000 ans comme dans certaines régions d’Europe. Il y a beaucoup d’essais-erreurs. Le vin dit nature exige beaucoup d’attention de la part du vigneron. La définition du vin nature la plus simplifiée est qu’il s’agit d’un vin sans intrants dans la vigne et dans le chai. Pour faire un vin nature, il faut avoir confiance en l’environnement qui nous entoure et être en constante prévention d’un éventuel pépin. Si un problème arrive, il faut accepter de perdre une partie des récoltes et être moins rentable pour ce millésime.
Il y a un mouvement qui tend vers l’agriculture biologique au Québec. Il s’inscrit dans un retour mondial vers une agriculture moins industrialisée. Le Québec est chanceux. Nous commençons notre histoire vinicole. C’est plus facile de faire des changements au début qu’après plusieurs siècles d’apprentissage. C’est un temps excitant pour les vignerons. L’identité du vin québécois n’est pas figée dans un savoir millénaire. Il y a place à l’expérimentation. Auquel cas, les consommateurs ont un mot à dire.
Santé ! Et surtout bonne exploration !
Pour aller plus loin
Si vous voulez en savoir davantage sur les artisans du vin québécois : il y a La vigne est belle, une série documentaire de Pascal Brouard qui présente les vignerons d’ici et parle du cycle de la vigne. Aussi, il y a le podcast de Florence Bélanger-Morin et Joël Richard, Vendanges au verre. Ils font de longues entrevues avec différents vignerons de la province.
*Le masculin a été utilisé pour alléger le texte. Il existe d’excellentes vigneronnes québécoises comme Carole Desrochers, Véronique Lemieux, Fannie Boulanger et plusieurs autres.
Par Coralie Bissonnette, sommelière