Abeilles, sécurité alimentaire et biodiversité
Dépassant largement l’unique production de miel, le rôle des abeilles est inhérent à la sécurité alimentaire et à la préservation de la biodiversité. Indispensables à l’agriculture, les abeilles permettent la production continue de fruits et légumes de qualité – le tiers de ce que nous mangeons dépend directement de leur travail.
La pollinisation consiste au transport de la graine de pollen par les abeilles (ou autres insectes pollinisateurs) de l’organe mâle d’un végétal à l’organe femelle. Les fleurs ont besoin des abeilles pour se reproduire, tout comme les abeilles ont besoin des fleurs pour se nourrir. Une diminution de la population d’abeilles entraîne inévitablement une perte importante des récoltes des agriculteurs.
Et si les ruches disparaissaient?
La chute des colonies d’abeilles n’a jamais autant été discutée. Slow Food Montréal revient sur les dernières nouvelles locales et mondiales et rappelle les innombrables usages des produits de la ruche, dont toutes les populations nous ayant précédés ont su profiter.
Important recours collectif pour sauver les abeilles au Canada
Certaines études indiquent que l’effondrement des colonies d’abeilles serait causé par l’exposition de celles-ci aux pesticides utilisés en agriculture, plus précisément ceux contenant des néonicotinoïdes, des insecticides de synthèse chimiquement proches de la nicotine. Partiellement interdits dans les pays de l’Union Européenne depuis l’an dernier, ces composants se retrouvent dans plusieurs insecticides vendus aux producteurs agricoles canadiens.
L’interdiction de pesticides ne serait toutefois pas sans coûts, estime le rapport Seeds for Success: The Value of Seed Treatments for Ontario Growers, publié par le Conference Board of Canada en juillet. Les fermes de maïs et de soya représentant plus de 85 % de la valeur des récoltes en Ontario, l’arrêt de l’utilisation de pesticides pourrait faire perdre plus de 630 millions $ par année en revenus aux fermes productrices.
En septembre, un recours collectif de 450 M$ a été déposé par trente apiculteurs de l’Ontario contre les fabricants de pesticides Bayer et Syngenta. Le recours collectif représenté par Siskinds Desmeules allègue que le fabricant allemand Bayer et le fabricant suisse Syngenta ont été négligents dans la conception, la fabrication, la vente et la distribution de pesticides contenant des néonicotinoïdes, ayant notamment causé la contamination de nombreuses ruches, le décès de plusieurs colonies d’abeilles et des pertes non recouvrables pour les apiculteurs.
La Fédération des apiculteurs du Québec spécifiait en octobre qu’elle n’avait aucunement l’intention d’entreprendre de telles démarches dans la province.
Utilisation de pesticides en agriculture au Canada et aux États-Unis
À peu près toutes les semences vendues aux producteurs agricoles en Amérique du Nord aujourd’hui sont traitées aux insecticides. La banalisation progressive de l’emploi de pesticides en agriculture remonte à la découverte du dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), substance synthétisée dès 1874 dont les propriétés insecticides ont été reconnues en 1939 et largement vantées pendant la Deuxième Guerre mondiale pour combattre les insectes ravageurs porteurs de maladies infectieuses.
Premier livre scientifique à traiter du scandale des pesticides, Silent Spring (Printemps silencieux), publié en 1962 par la biologiste Rachel Carson, entraîna l’interdiction du DDT dans les années soixante-dix. Plus que de nuire à la santé humaine, on reconnut alors que les pesticides pouvaient contaminer le sol, l’eau et l’air, mettant en péril tout cycle de vie.
À la suite du récent dépôt de son rapport annuel, le Commissaire à l’environnement de l’Ontario affirmait que la menace représentée par les néonicotinoïdes pour l’écosystème est encore plus grande que celle dont on accusait le DDT à l’époque de son utilisation.
Au Québec, les néonicotinoïdes enrobent principalement les semences de maïs et de soya et se répandent dans la plante tout au long de sa vie. Leur action neurotoxique attaque le système nerveux central des insectes qui s’en approchent, les paralysant et les asphyxiant.
Même si les abeilles ne butinent ni le maïs ni le soya – et a priori ne devraient pas être exposées aux néonicotinoïdes – elles ne sont pas protégées des pesticides avoisinants. Des poussières du poison se dégagent des semoirs et se déposent sur les plantes nécessaires à la pollinisation et sont rejetées dans la sève de laquelle les abeilles s’abreuvent. Empoisonnées, celles-ci perdent le sens de l’orientation et deviennent incapables de retrouver le chemin de leur ruche.
Quel avenir pour l’apiculture ?
La situation mondiale est telle que dans certains pays on confie le travail des abeilles aux ouvriers apicoles et même à des robots pollinisateurs. Au sud-ouest de la Chine, les cultivateurs se chargent de la fécondation des fleurs une à une pour tenter de compenser les pollinisateurs disparus. Aux États-Unis, des « RoboBees » animées par un muscle électronique sont mises au point par des scientifiques de l’université de Harvard et des biologistes de la Northeastern University de Boston depuis 2009.
De tels moyens n’ont pas encore été l’objet de sérieuses discussions au Canada. Ce qui presse au pays en ce moment, c’est freiner la proposition de l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) de Santé Canada d’accepter le nouvel insecticide de Bayer contenant du flupyradifurone. Le grand public avait jusqu’au lundi 3 novembre 2014 pour se faire entendre: la pétition est ici.
Sur une note plus légère, nous invitons mangeurs et citoyens à continuer de s’informer des initiatives locales et à mettre en valeur les richesses de la ruche pour une apiculture bonne, propre et juste.