Prendre le temps est une expression à la mode. Elle sous-entend qu’il faut apprécier ce que l’on fait et être dans le moment présent. Son contraire serait de vouloir continuer à être productif. La balance entre les deux concepts dépend de chacun. Il y a de bonnes chances que si vous vous êtes retrouvés sur cette page vous souhaitez ralentir.
Par contre, s’arrêter un moment peut être difficile. Slow Food Montréal vous propose de commencer par ralentir aux repas, et de prendre le temps de goûter, de savourer. Un bon moyen pour occuper votre esprit est de nommer ce qui se passe pendant que vous mangez. Ainsi, vous vous concentrez sur les goûts et les saveurs des aliments que vous consommez. Voici une définition de chaque saveur et une expérience pour mieux mettre en mots ce qui se passe sur vos papilles.
Qu’est-ce qu’une saveur ?
Chaque aliment a une saveur qui lui est propre. La saveur est ce que le nez perçoit avant le goût. Par exemple, un kiwi est identifié acidulé par le cerveau. Ensuite, la matière grise s’active et reconnaît le goût du kiwi.
Avez-vous déjà vécu un moment comme celui de la madeleine de Marcel Proust ? Le temps s’est figé et vous voilà de retour en enfance grâce à une bouchée. La montée de ce souvenir est due à la mémoire sensorielle. Elle se base sur les sens, plutôt qu’un stimulus conscient. Avec un peu de pratique, ce processus est nommé et devient donc conscient.
Les cinq saveurs
Il y a cinq saveurs reconnues par le monde scientifique : le salé, le sucré, l’acidité, l’amertume et l’umami.
L’expression du salé la plus pure est celle de grains de sel mis sur la langue. La même expérience se répète pour le sucre. Il est possible de la faire avec des grains de sucre raffiné, mais aussi avec certains fruits plus sucrés naturellement comme la banane.
L’acidité d’un aliment se reconnaît à la sensation de salivation dans la bouche lors de la mastication. Si vous avez un citron à portée de main, essayez de percevoir le niveau de salive avant et après l’avoir croqué. Il y a de bonnes chances que vous fassiez la grimace en prime ! À tout le moins, la sensation de salivation reste la même pour les aliments et les boissons acides.
Quant à l’amertume, elle provoque le contraire de l’acidité en asséchant la bouche. Pour bien comprendre l’amertume, laissez une poche de thé noir infuser trop longtemps et goûtez-y ensuite. Il s’agit d’une sensation similaire à celle que provoquent les tanins dans le vin, d’où la qualification d’amertume pour un vin rouge ou orange.
La dernière saveur, l’umami, est un concept d’origine japonaise. Il s’agit d’une saveur que l’on retrouve dans les vieux fromages tels que le parmesan reggiano ou dans les condiments asiatiques comme la sauce poisson. L’umami est moins caractérisé par une sensation tactile dans la bouche que l’impression d’un équilibre des saveurs. Cela semble subtil. Cependant, la prochaine fois que vous mangez un morceau de parmesan reggiano, observez l’équilibre entre le côté salé, fruité, piquant et amer du fromage. C’est une saveur que l’on peut observer dans plusieurs recettes italiennes à base d’anchois.
Les textures et autres qualités organoleptiques
Il y a aussi différentes textures comme le gras, le croustillant, le visqueux, la granularité et la dureté qui influencent nos perceptions d’un aliment. Souvent, il y a une différence de texture entre deux pommes d’un même pommier. L’attention portée aux différences des deux pommes permet de percevoir les subtilités entre la texture de la chair. Est-elle ferme ou plus juteuse ? A-t-elle une sensation plus pâteuse ? Et surtout laquelle entre les deux aimez-vous le plus ?
Pour répondre à ces questions, vous aurez besoin de plus que vos papilles gustatives. Le toucher, l’odorat et la vue sont tout aussi importants. L’adage dit que l’on mange avant tout avec ses yeux. En effet, un aliment avec une couleur peu attirante ou abîmé par le transport a moins de chances d’être acheté. Surtout s’il ne passe pas le test de palpation. Le toucher donne des informations sur la fermeté d’un aliment. C’est souvent lié au son d’ailleurs. Quel est le bruit d’une baguette trop sèche ? La baguette est-elle élastique sous vos doigts ?
Le dernier sens, l’odorat, est capital dans la perception du goût. La bouche et le nez sont reliés par la rétro-olfaction. C’est ce qui explique qu’il est plus difficile de percevoir les goûts des aliments quand on a le nez bouché. Les odeurs provoquées par la mastication ne peuvent pas se rendre aux récepteurs olfactifs situés dans la muqueuse entre la bouche et le nez. Humer les aliments à l’aveuglette est un jeu amusant qui entraîne la mémoire sensorielle. C’est ainsi que les sommeliers se familiarisent avec le vocabulaire du monde du vin.
L’alimentation pleine conscience
Les facteurs qui expliquent la perception d’un goût sont multiples. Cela dépend d’une personne à l’autre. Certains sont plus aptes à détecter le salé, tandis que d’autres sont plus sensibles à l’amertume. Quels sont vos préférences et vos niveaux de détection d’une saveur ?
En répondant à cette question, vous pratiquez ce qu’on appelle l’alimentation pleine conscience. Il s’agit de se concentrer uniquement sur l’acte de manger pour mieux déceler toutes les sensations, les plaisirs, les inconforts et le sentiment de satiété. Se poser des questions du genre pourquoi trouvez-vous cet aliment attrayant au regard, ou, comment votre estomac reçoit la nourriture que vous venez de manger ?
Cela permet d’être plus ancré dans le moment présent et de mieux cerner les besoins de son corps. Il s’agit d’un excellent moyen pour distinguer une faim reliée à des émotions de celle d’un besoin biologique. Sans dire qu’en pratiquant l’alimentation pleine conscience, vous seriez plus apte à faire la différence entre deux pommes !
Manger en pleine conscience permet aussi de mieux définir vos goûts et potentiellement de faire de meilleurs achats. Par exemple, les tomates importées en hiver ne sont pas aussi goûteuses que celles qui ont poussé pendant l’été. Alors au lieu de continuer à acheter des tomates l’hiver, il suffirait de trouver un moyen de conserver celles qui ont été récoltées en saison.
La simplicité à l’honneur
C’est vrai qu’il s’agit d’une démarche qui prend plus de temps. Cependant, il est possible d’y trouver du plaisir. Cuisiner constitue une façon d’exprimer sa créativité dans le quotidien. Même si le résultat n’est pas parfait comme sur la photo de la recette, il y a raison d’être fier. Vous avez pris le temps de faire quelque chose pour vous et qui répond à vos goûts. Sans faire trop de renforcement positif, les plats les plus simples sont souvent les plus savoureux. La cuisine italienne met d’ailleurs beaucoup en pratique ce principe : faire briller des aliments frais, de qualité.
Le goût n’est pas une priorité de l’industrie alimentaire
L’industrie alimentaire et des prêts-à-manger n’a pas toujours en tête le goût quand elle conçoit de nouveaux produits. Afin de faire un profit, l’industrie investit dans des caractéristiques qui répondent à ses besoins et non ceux des consommateurs.
En ce moment, le prêt-à-manger prend de plus en plus de place à l’épicerie. Cela semble radical de prendre le temps de cuisiner davantage. Il ne s’agit pas de devenir un chef étoilé Michelin, mais d’y aller petit à petit. Le premier pas est de nommer les saveurs, les odeurs et les textures. Cela va aiguiser vos sens. Ensuite, vous pourrez concevoir un plat selon une construction de saveurs et de textures qui vous plaisent. Les variations sont infinies. L’inspiration se trouve dans votre cuisine, au marché local et dans votre jardin. Bonne découverte !
Pour aller plus loin
Bee Wilson First Bite (en anglais) un livre de vulgarisation sur la littérature scientifique concernant nos goûts et habitudes alimentaires
Extenso un organisme à but non lucratif pour démystifier toutes les questions sur l’alimentation
L’Éloge de la lenteur de Carl Honoré, une présentation d’un rythme de vie plus lent
Le site de la nutritionniste Karine Gravel pour en savoir plus sur l’alimentation pleine conscience