Si vous demandez à des jardiniers expérimentés autour de vous, peu savent vraiment définir ce qu’est la permaculture. Il y a quelque chose d’intangible, typique d’une philosophie de vie. Bien que les définitions diffèrent, on peut s’entendre sur certains éléments ; « Il s’agit de la recherche de méthodes agricoles durables, inspirées des systèmes naturels, érigeant la nature comme modèle. » [1] C’est un principe évolutif qui s’appuie sur les anciens savoir-faire, sur les découvertes récentes et sur l’expérience des permaculteurs. Bref, la permaculture peut se résumer à agir avec la nature, plutôt que contre elle.
Mais cette philosophie ne se limite pas uniquement à implanter dans son potager les relations qu’on retrouve dans la nature, elle s’étend aux interactions avec les autres éléments qui font partie d’un système, comme une maison, un garage, des arbres ou un plan d’eau.
La permaculture est donc une approche holistique basée sur une observation des éléments et leurs interactions, permettant de concevoir des écosystèmes durables sur le plan écologique, social et voire même économique.
Pour la petite histoire…
Le mouvement a été créé en 1970 par deux agronomes australiens Bill Mollison et David Holmgren. Ils se sont inspirés de la philosophie de Masanobu Fukuoka pour reprendre contact avec les savoir-faire traditionnels et préindustriels de l’agriculture. Ces hommes n’ont rien inventé; les autochtones le font depuis des millénaires.
Dans l’est de l’Amérique du Nord, les nations plantaient trois végétaux ensemble dans leurs champs : le maïs, la courge et le haricot. Plus communément appelées les trois sœurs, ces plantes cultivées en unisson collaborent entre elles pour mieux mûrir. Ce trio favorise également l’échange de nutriments sous la terre, ce qui valorise la vie d’une multitude de micro-organisme et permet une régénération du sol. Avec l’aide de la permaculture, il est possible d’enrayer la désertification et de ramener la vie dans un espace. Le plateau de Loess en Chine est un bel exemple de ce que l’on peut arriver à faire en appliquant les principes de la permaculture. Ces terres nourricières dévastées par l’activité humaine sont maintenant ressuscitées grâce à un projet de permaculture initié en 1995.
Les principes de la permaculture
Pour appliquer les principes de la permaculture, il faut initialement définir ses besoins et ses objectifs, lesquels devront évoluer au contact de la réalité, des contraintes et des opportunités. La conception d’un milieu de permaculture est une démarche qui s’effectue sur une période pouvant être relativement longue, mais qui ne peut certainement pas être courte!
La première étape est de regarder autour de soi et de comprendre l’environnement potager. En permaculture, le but est, qu’au fil du temps, l’environnement s’autorégule dans un circuit fermé. Pour ce faire, il faut prendre en compte trois facteurs, qui sont le noyau de votre circuit :
- L’ensoleillement
- La rétention d’eau
- La fertilité du sol
Ainsi que quatre éléments qui complémentent le circuit fermé :
- L’interaction des organismes vivants
- La co-plantation
- Le rôle des insectes
- Le rôle des oiseaux
L’ensoleillement
Les plantes se nourrissent grâce à la lumière directe du soleil et du dioxyde de carbone (CO2) ambiant. C’est ce que l’on appelle la photosynthèse. Le potentiel de lumière directe est donc un facteur clé pour s’assurer d’une bonne récolte de jardin. Certaines plantes s’accommodent de sections plus ombragées, mais la plupart des potagers ont besoin d’au moins huit heures d’ensoleillement direct quotidien. Pour optimiser les récoltes sans avoir recours à des engrais synthétiques, il faut repérer l’endroit le plus ensoleillé à sa disposition. De cette manière, la récolte sera plus abondante, sans intervention humaine.
La rétention d’eau
La tâche la plus récurrente du jardinier est d’arroser ses plants. L’eau est un élément crucial de la photosynthèse. Les plantes la puisent dans le sol, mais la capacité de rétention d’eau varie d’un sol à l’autre. Connaître dans quel terreau les végétaux sont cultivés permet d’améliorer l’efficacité de l’arrosage.
Par exemple, un sol argileux est très lourd et compact, et par la même occasion, retient l’eau facilement. Les racines dans un sol argileux se retrouvent donc dans des conditions humides, ce qui ne plaît pas à tous les végétaux. De plus, si l’eau est disponible en surface, les racines n’auront pas le réflexe de se développer en profondeur, ce qui peut rendre la plante plus vulnérable face à un coup de vent. Pour chaque sol, il y a une catégorie de végétaux qui tirent parti des conditions présentes dans la terre.
L’eau qui se retrouve dans le sol joue un rôle dans l’écosystème de votre rue. Savoir comment elle se déplace sur votre terrain peut être utile pour optimiser l’arrosage de votre jardin. Un tonneau ou une poubelle récupérée placée en dessous d’une gouttière vous permettra de récuppérer l’eau de pluie pour arroser votre jardin. En plus d’être écolo, l’eau sera à la température ambiante, contrairement à celle qui est dans l’aqueduc. C’est la raison pour laquelle toutes les grandes surfaces en permaculture ont un étang à proximité. Cela permet aussi d’accueillir des petits animaux, comme des grenouilles qui contribuent à l’équilibre de l’habitat en mangeant quelques insectes nuisibles pour les légumes.
La fertilité du sol
Le compost est l’amendement le plus facile pour améliorer la récolte de son potager. Certains composts sont à privilégier selon le pH du sol. Si vous plantez des annuelles, il est préférable d’utiliser un compost riche en bactéries. Pour ce qui est des vivaces, des arbres et des arbustes, ce sont les composts avec un contenu plus élevé en champignons qui est à privilégier. Les champignons ont une plus haute teneur en carbone, ce qui aide pour une croissance à plus long terme.
Si vous voulez pousser plus loin, voici un tutoriel qui explique comment faire son propre compost. C’est une excellente façon de réutiliser les retailles alimentaires et d’établir un circuit fermé pour votre jardin.
Pour optimiser la fertilité du sol, il est important de limiter la pousse de « mauvaises herbes ». Mais attention! Ce qui est mauvais pour le jardinier ne l’est pas nécessairement pour des poules ou des chèvres. Cependant, il est vrai que l’accès à ces tondeuses animales est limité en milieu urbain. C’est pourquoi la solution priorisée sur un plus petit espace est le paillis. On peut l’acheter dans une grande surface ou le fabriquer soi-même en récupérant des feuilles mortes en automne. Cet article explique plus en détail les sortes de paillis.
L’interaction entre les organismes vivants
La permaculture tire avantage d’une multitude de bactéries qui interagissent avec les racines, les invertébrés et les insectes. Ces interactions favorisent la croissance de la plante, sans nécessiter un effort soutenu du jardinier. La manière dont ils collaborent dépend du pH du sol.
Certains transferts de nutriments vers la plante, comme le zinc et le magnésium, sont aussi affectés par le pH du sol. Le sol organique obtient de meilleurs résultats quand le pH se situe à 5,5. Les sols minéraux (argileux, limoneux et sablonneux) ont des conditions optimales à un pH de 6,5.
Connaître la nature de la terre dans laquelle vous cultivez permet d’équilibrer les échanges entre les bactéries et les racines. Il existe des expériences amusantes pour le chimiste en vous, pour déterminer le pH de votre sol. Si vous voulez un résultat plus précis, les Jardins de l’écoumène propose des ensembles pour tester votre sol. Vous pouvez également apporter un échantillon à votre centre de jardinage pour une analyse.
La co-plantation
Une manière d’améliorer les échanges en nutriments dans le sol est de cultiver un trio de plantes. Le verger Miracle Farms est basé sur ce principe. Stefan Sobkowiak opère avec un trio composé d’un pommier, d’un autre arbre fruitier et d’un arbre fixateur d’azote. Ces arbres ont la capacité de fixer l’azote de l’air et de le retourner au sol. L’azote est un élément important de la photosynthèse. Avec la lumière du soleil, c’est un peu la nourriture de la plante.
Dans le potager, les trios de plants se succèdent et forment un écosystème qui s’équilibre selon les besoins de chaque arbre. C’est la base du principe de la co-plantation. Il n’existe pas de recettes scientifiquement prouvées pour la co-plantation, c’est plutôt un processus d’essais-erreurs et d’observation au fil des saisons.
Pour vous aider, voici un guide pour la co-plantation des plantes potagères. Quant aux autres plantes, il faut s’armer de patience et observer toutes les variations au cours des années.
Le rôle des insectes
Le principe de la co-plantation ne s’arrête pas aux plantes. Il est question aussi de collaboration entre végétaux, insectes et oiseaux. C’est bien connu que les fleurs attirent les insectes pollinisateurs. Ils sont un maillon crucial d’un jardin maraîcher. Avoir des fleurs tout le long de la saison permet aux insectes de se nourrir tout l’été. Par contre, il ne faut pas sous-estimer le rôle des insectes régulateurs comme la coccinelle. Elle mange des pucerons qui peuvent attaquer les fruits et légumes. Pour les attirer près de votre potager, vous pouvez construire un hôtel à insectes à l’aide de ce tutoriel.
Le rôle des oiseaux
Vous craignez que les insectes envahissent votre jardin à la suite de cette construction? Alors il vous faut faire de la place aux oiseaux! Ce sont eux qui contrôlent la population d’insectes, par contre, il est vrai qu’ils peuvent aussi manger certains fruits. Stefan Sobkowiak compare cette possibilité à rémunérer sa main-d’œuvre. Pour éviter qu’ils mangent les fruits destinés à votre consommation, plantez un arbuste, comme le chèvrefeuille dont les fruits apparaissent plus rapidement.
Pour aller plus loin
Un potager en permaculture prend plus qu’une saison à construire. Dans l’élaboration d’un tel projet, il faut faire preuve d’ouverture, d’écoute et de souplesse. Nombreux sont ceux qui voudront vous convaincre qu’il y a une meilleure façon de faire, de trucs fantastiques, de méthodes incontournables. Ne fermez pas la porte, ni surtout les oreilles, essayez plutôt de voir s’il n’y a pas là des éléments qui pourraient vous aider.
L’important est d’observer chaque élément de votre jardin et de chercher des manières de le connecter à un ensemble. Il y aura des réussites et des échecs, mais il y aura toujours un sentiment de fierté en goûtant les récoltes de votre jardin!
Si vous souhaitez pousser la réflexion, voici quelques ouvrages et ressources en ligne qui pourraient vous intéresser :
- La révolution d’un seul brin de paille de Masanobu Fukuoka. Il s’agit du livre qui a inspiré les fondateurs du mouvement de la permaculture Bill Mollison et David Holmgren. Fukuoka prône la restauration de soi par le jardinage.
- Une ferme résiliente et productive pour vivre à la campagne de Ben Falk. Ce livre s’adresse à ceux qui cherchent des recettes à appliquer dans notre climat d’Amérique du Nord. L’auteur est d’origine du Vermont.
- Dans le même genre, Le jardinier-maraîcher de Jean-Martin Fortin est tout aussi instructif même si l’on commence à petite échelle.
- La permathèque, un site qui regroupe plusieurs extraits de livres sur la permaculture en français.
[1] Curci C. Et Broustey, Méthodologie et outils clefs du design en permaculture, Imagine un Colibri 2016.