La pandémie a amené une prise de conscience collective sur la précarité de l’approvisionnement et sur l’importance de l’autonomie alimentaire. Des questions émergent sur notre système d’agriculture mondialisée. L’autosuffisance alimentaire est sur toutes les lèvres. Est-ce possible de réaliser cet idéal?
Une partie de la réponse réside dans la façon dont nous produisons nos aliments. Et si on essayait de changer notre agriculture et nos méthodes d’approvisionnement? Ce sont nos habitudes alimentaires et nos demandes qui induiront des changements dans l’offre et dans les politiques gouvernementales. Nous vous proposons un tour d’horizon de l’agriculture autrement.
Qu’est-ce l’agriculture conventionnelle ?
Le système de production dominant actuel favorise le rendement; produire plus, à moindre coût. Pour ce faire, nous avons recours à l’utilisation d’engrais pour accélérer la croissance des végétaux et d’hormones pour certains élevages du bétail. La mécanisation du travail agricole est également mise à contribution pour maintenir des coûts de production bas.
Qu’est-ce qui ne fonctionne pas avec l’agriculture conventionnelle?
Cette production se fait malheureusement au détriment de l’environnement. Selon le gouvernement canadien, la proportion du taux d’émission de gaz à effet de serre attribuable au secteur agricole canadien en 2018 était de l’ordre de 10%.
Outre les effets sur la santé des humains, ce type de production engendre également des dommages importants pour la planète. L’utilisation de produits chimiques contamine les cours d’eau. L’usage de machinerie lourde compacte les sols et les rend plus vulnérables à l’érosion des sols et au ruissellement des eaux.
L’agriculture industrielle accentue généralement la maximisation du rendement par superficie de terre, l’uniformisation des variétés de même que la réduction des cultures multiples. Ceci réduit de façon significative la diversité des variétés végétales et animales et cause un appauvrissement de la biodiversité.
De plus, ce mode de production facilite la transmission de virus d’animaux aux êtres humains. Dans certaines régions, l’expansion des terres agricoles détruit le sous-bois qui servait normalement de tampon entre les animaux de la forêt et les humains. Cette nouvelle cohabitation est liée à l’apparition des zoonoses, ces maladies transmissibles d’animaux vertébrés aux humains et vice-versa.
Comment contribuer aux changements
La roue du changement est en marche, mais trop lentement. Par exemple, le « Plan vert agricole » déposé par le ministre de l’Agriculture, Pêcheries et Alimentation du Québec (MAPAQ) propose de réduire de seulement 15% l’utilisation des pesticides d’ici 2030. Au lieu d’attendre, nous pouvons nous aussi poser des gestes pour encourager les multiples alternatives. Nos choix dans le quotidien et nos revendications sous toutes leurs formes peuvent amener des changements qu’il ne faut pas sous-estimer. Pensons seulement à nos habitudes d’achats. Voici ce que nous pouvons faire :
- Chercher la section des produits locaux, les produits bio, les étiquettes « Aliments du Québec » ou « Aliments préparés au Québec », favoriser les produits en vrac. C’est déjà un bon pas dans la bonne direction.
- Remplacer les aliments importés par des équivalents locaux ou presque locaux – à ce sujet vous pouvez consulter notre article sur les méthodes de conservation pour vous permettre de profiter de nos produits locaux toute l’année.
- Encourager les petits commerces locaux qui supportent nos producteurs et les approches écologiques comme les épiceries en vrac, les kiosques de fruits et légumes et les marchés publics.
- Prioriser les circuits courts en achetant directement des producteurs. Cela peut contribuer à nous rendre souverain de notre alimentation et peut favoriser l’abordabilité des produits en éliminant des intermédiaires.
Comment s’y retrouver dans les différents modèles d’agriculture?
Il existe plusieurs types d’agriculture. Voici un glossaire non exhaustif de modèles dans la marge de l’agriculture conventionnelle pour vous aider à vous y retrouver.
La lutte ou la culture raisonnée
C’est l’utilisation de produits chimiques seulement en réaction, et non pas en prévention. Plutôt que de traiter de façon systématique à une fréquence donnée, on surveille la propagation des maladies. Cette pratique demande donc une plus grande main d’œuvre reliée à la surveillance des maladies et de la réaction sélective lorsque nécessaire.
L’agriculture écologiquement intensive
Ici, l’utilisation de la technologie est réfléchie pour prévenir tous pépins. Par exemple, on va privilégier une semence OGM pour éviter un prédateur plutôt que de pulvériser des insecticides toute la saison.
L’agrobiologique (biologique)
Le bio est une technique agricole respectueuse de l’environnement, de la santé humaine et du bien-être animal. L’appellation biologique est régie par un cahier des charges. Les logos (Ecocert, Bio Québec) permettent aux consommateurs de facilement repérer les produits biologiques à l’épicerie.
La biodynamie
Il s’agit d’un modèle d’agriculture un peu ésotérique, mais pratiqué notamment par un nombre croissant de vignobles. Les étapes de cultivation sont régies par les cycles lunaires et nycthéméraux, c’est-à-dire, les cycles de l’intensité lumineuse de la journée. Ce modèle va au-delà des pratiques bios en recourant à des doses homéopathiques d’additifs naturels et en reduisant sensiblement l’usage de sulfate de cuivre. Une des techniques consiste à préparer les additifs dans une corne de bœuf, à laisser fermenter le tout qui sera éventuellement diluer dans une grande quantité d’eau et sera pulvérisé sur les plantations pour dynamiser le sol et protéger les cultures.
La permaculture
Il ne s’agit pas tant d’une technique en soi, mais plutôt d’une philosophie. La permaculture vise à reproduire la diversité, la stabilité, la résilience et la fertilité naturelles des écosystèmes. Elle préconise la cohabitation de plantations, d’insectes et d’animaux qui protègent les cultures et agissent comme prédateurs des espèces indésirables. C’est aussi une conception de l’espace qui cherche à créer un milieu autonome qui croît sans intervention humaine. Miracle Farms de Stefan Sobkowiak est un verger qui applique cette philosophie au Québec.
La serriculture
Il s’agit d’un autre mode d’agriculture, un peu moins techno, qui connait une forte croissance. La serriculture peut être pratiquée à l’année si les serres sont chauffées, soit à la biomasse (La coopérative de la solidarité Les Serres du dos blanc) ou à l’électricité (Les fermes Lufa). Les coûts d’opération sont importants, mais ce peut être rentable avec un modèle d’affaires bien pensé. Il serait profitable d’avoir plus de ce genre d’installation pour nourrir les villes.
Le jardinage
Pratiquer l’agriculture chez soi est aussi une solution. Pourquoi ne pas se mettre au jardinage? Il n’est pas possible répondre à tous ses besoins ni de produire de la laitue sur votre rebord de fenêtre à l’année, cependant, Slow Food vous encourage à faire pousser une partie de votre propre nourriture dans la mesure de vos capacités. Il existe plusieurs publications sur le sujet s’adressant tant au débutant qu’aux aguerris. À ce sujet, le jardinier paresseux a écrit un billet qui présente des plantes moins connues que l’on peut faire pousser à l’intérieur même pendant l’hiver.
Des pratiques émergentes
Repenser l’agriculture n’implique pas nécessairement de jouer du piano à ses vignes. Cela peut aussi être de l’amener sur le terrain de nos grandes métropoles. Cela a le net avantage de diminuer les coûts de transports.
C’est aussi une optimisation de l’espace avec le principe des fermes verticales. La plupart des fermes verticales font de l’aéroponie, culture hors-sol avec l’aide d’un brouillard nourrissant, ou de l’hydroponie. Outre un environnement stérilisé, cela requiert une importante consommation d’énergie, une robotisation, l’utilisation de produits chimiques et un grand capital monétaire pour le matériel et l’opération. Il est difficile de reproduire en synthèse un environnement propre à l’agriculture intensive. Mais qui sait ? À Montréal, il y a les Fermes ÔPlant.
Une autre pratique plutôt futuriste, l’ultraponie consiste en l’utilisation d’ultrasons à l’aide d’ordinateur pour envoyer la bonne quantité de minéraux à chaque pousse. Il existe très peu de fermes commerciales qui l’utilisent. La NASA expérimente cette technologie pour un voyage sur Mars.
Continuant sur la lancée plus avant-gardiste, l’aquaponie jumelle l’hydroponie et la pisciculture. Imaginons un bac de poissons en dessous de celui des plantes. Il y a des pompes qui font circuler l’eau entre les deux étages. Les poissons rejettent des minéraux dans l’eau, qui est pompée ensuite vers les plantes, qui à leur tour filtrent l’eau pour la redonner aux poissons. C’est un cycle fermé et zéro déchet si on ne tient pas compte du matériel qui coûte très cher. Il a le mérite de ne pas avoir autant d’ajouts de produits chimiques que dans l’hydroponie usuelle. Pour le moment, c’est très embryonnaire. Il y a peu d’initiatives au Québec qui sont destinées au grand public.
Où retrouver ces initiatives?
Pour vous aider, voici une liste de quelques producteurs qui travaillent en respect avec l’environnement :
- Équiterre avec leur panier bio offert à l’année
- La Ferme des Quatre Temps
- Miel Montréal – Coop favorisant des insectes pollinisateurs en milieu urbain
- CAPÉ – Coopérative pour l’Agriculture de Proximité Écologique
- Miracle Farms de Stefan Sobkowiak – Permaculture
- La coopérative de la solidarité Les Serres du dos blanc – Serriculture
- Les fermes Lufa – Serriculture
- Fermes ÔPlant – Ferme verticale intérieure
- Le Jardinier paresseux – Astuces de jardinage
Il existe plusieurs autres ressources. Si vous voulez poursuivre sur le sujet, nous vous invitons à lire sur le locavorisme.